« Il y a quelque agrément à s’égarer dans le Loir-et-Cher. C’est un des départements de France où l’on trouve le plus de viticulteurs convertis à l’agriculture biologique. Chez Hervé Villemade, où nous nous sommes arrêtés une claire journée d’automne, nous avons vidé de beaux flacons de cheverny générique (50 % gamay, 50 % pinot noir) et de cheverny Les Ardilles (80 % pinot noir, 20 % gamay).
Taciturne et concentré sur son objet, Hervé Villemade a appris le métier au lycée viticole d’Amboise, avant de reprendre les 13,5 hectares du domaine familial au milieu des années 1990. Son travail s’est situé dans le prolongement de celui de son grand-père, Désiré, venu de Paris à Cellettes à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et de son père Henri. Les innovations introduites approfondirent sans rupture la démarche de ces devanciers. C’est ainsi qu’Hervé Villemade a décidé de parfaire le travail soigné de la vigne en reprenant les labours, et de s’essayer à des vinifications douces et naturelles (…). Les effets n’ont pas tardé à se faire sentir. Toujours soucieux de vendanger des raisins très beaux et très mûrs, Hervé a réussi à produire des vins d’une ébouriffante complexité aromatique. « Le métier de vigneron n’est pas plus compliqué que ça, explique-t-il. Ce n’est pas la peine de s’énerver en cuverie si on rentre un raisin biologiquement mort. Il faut se faire mal aux mains toute l’année dans les vignes pour rentrer le plus beau fruit possible, riche en levures indigènes. » La leçon appliquée à la lettre donne de brillants résultats.
Cette réussite est d’autant plus exemplaire qu’Hervé Villemade travaille un terroir sur lequel les buveurs d’étiquette n’auraient pas misé un centime avant que la démonstration soit faite qu’il pouvait donner naissance à de très grands vins. Comme son voisin Thierry Puzelat, Hervé Villemade produit des « vins d’auteur », où la marque singulière du vigneron se sent derrière chaque bouteille. »
Le petit Lapaque des vins de copains, Sébastien Lapaque, Editions Actes Sud, 2006
